Dans ses Conclusions du 7 octobre 2010,  dans l’affaire C 400/08 (Commission v. Espagne), l’Avocat Général se  prononce sur les restrictions à l’établissement de surfaces commerciales  par rapport à la liberté d’établissement telle que garantie sur le  traité sur le fonctionnement de l’UE.
 
 Nous avions déjà eu l’occasion d’analyser la manière dont le législateur  fédéral a « transposé » la directive « services » en matière  d’implantations commerciales, par l’adoption de la loi du 22 décembre  2009 adaptant certaines législations à la Directive 2006/123/CE du  Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché  intérieur (voir nos newsletters des mois de novembre 2009 et mai 2010).
 
 Dans ses Conclusions du 7 octobre 2010, l’Avocat Général nous livre des  éléments d’appréciation concrets des restrictions à l’établissement de  surfaces commerciales par rapport à la liberté d’établissement telle que  garantie par le traité sur le fonctionnement de l’UE, et plus  particulièrement son article 49 (l'ancien article 43 CE).
 
 La Commission soutient que ces restrictions imposées dans la communauté  autonome de Catalogne profitent aux plus petites structures  traditionnelles − et, par conséquent, au commerce local − par rapport  aux plus grands établissements privilégiés par les opérateurs d’autres  États membres.
 
 L’Avocat Général rappelle tout d’abord que selon une jurisprudence  constante, constitue une restriction au sens de l’article 43 CE toute  mesure nationale qui, même applicable sans discrimination tenant à la  nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant  l’exercice, par les ressortissants de l’Union, de la liberté  d’établissement garantie par le traité.
 
 Toutefois, lorsqu’une telle discrimination n’existe pas, la restriction  peut également être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt  général, à condition qu’elles soient propres à garantir la réalisation  de l’objectif poursuivi et n’aillent pas au-delà de ce qui est  nécessaire pour atteindre cet objectif. Les raisons invoquées par un  État membre afin de justifier une dérogation au principe de la liberté  d’établissement doivent être accompagnées d’une analyse de l’opportunité  et de la proportionnalité de la mesure restrictive adoptée par cet État  membre ainsi que des éléments précis permettant d’étayer son  argumentation. 
 
 En l’espèce, l’avocat général considère qu’il n’est pas prouvé que les  restrictions placeraient les opérateurs originaires d’autres Etats  membres dans une position significativement défavorable.
 
 Il souligne néanmoins que tout système d’autorisation préalable à  l’ouverture d’établissements commerciaux a, par définition, un effet  direct sur la liberté d’établissement des opérateurs et cela s’applique à  tout obstacle faisant partie du processus d’autorisation. Il n’est  donc, à son avis, pas nécessaire que les restrictions à l’accès au  marché soient significatives pour relever du champ d’application de  l’article 43 CE.
 
 La légalité de ces restrictions doit donc être analysée au regard des questions suivantes :
 
 • Ces restrictions sont-elles justifiables par une raison impérieuse d’intérêt général ?
 • Dans l’affirmative, ces restrictions sont-elles opportunes ?
 • Dans l’affirmative, ces restrictions sont-elles proportionnées ?
 
 L’Avocat Général soumet chaque mesure restrictive dénoncée par la Commission à la question, et émet l’avis suivant. 
 
 Premièrement, si les objectifs de protection de l’environnement et  d’aménagement du territoire cohérent et de protection des consommateurs  sont tous deux des objectifs reconnus comme relevant de l’intérêt  général, il n’en est pas de même des objectifs purement économiques. Or,  l’Avocat Général estime que : « le degré maximal d’implantation et  les critères à appliquer lors de l’examen des demandes d’autorisation,  dans la mesure où ces critères ont trait à l’incidence sur le commerce  local préexistant, peuvent être considérés comme poursuivant un but  purement économique ». Par contre, toutes les autres restrictions  dénoncées, et analysées ci-après, sont justifiables par des raisons  impérieuses d’intérêt général.
 
 Deuxièmement, les restrictions quant à l’emplacement et à la taille des  nouveaux établissements sont des moyens opportuns pour éviter des  trajets en voiture polluants, pour combattre le déclin urbain, pour  préserver un modèle urbain respectueux de l’environnement, pour éviter  la construction de nouvelles routes et pour assurer un accès par les  transports publics. Leur proportionnalité n’a néanmoins aucunement été  abordée par l’Etat espagnol. Or, la charge de la preuve incombe à l’Etat  membre qui se prévaut d’une dérogation. 
 
 Troisièmement, les rapports remis par le tribunal de la concurrence et  par la commission consultative, lors de l’instruction des autorisations  administratives, ne sont pas en soi critiquables car ils sont non  contraignants. Par contre, la composition de la commission est remise en  cause dès lors que l’unique intérêt sectoriel représenté (et ce de  manière significative) est le commerce local préexistant.
 
 Quatrièmement, l’Avocat Général n’est pas de cet avis dès lors que « (Si)  l’intégration dans l’environnement urbain, l’effet sur l’utilisation  des routes et des transports et la variété de choix disponibles pour les  consommateurs sont des critères légitimes lorsqu’il y a lieu de se  prononcer sur la question de savoir s’il convient autoriser l’ouverture  d’un établissement commercial − et la Commission ne critique pas leur  nature, mais uniquement leur manque de précision − il ne semble pas  possible de spécifier à l’avance des seuils précis sans introduire un  degré de rigidité susceptible d’être encore plus restrictif de la  liberté d’établissement ».
 
 Cinquièmement, l’Avocat Général est d’avis de censurer le mécanisme du «  silence négatif » dès lors que l’Etat espagnol n’a avancé aucun  argument en vue de réfuter son caractère disproportionné. Il est  néanmoins précisé que les griefs ne sont fondés que dans la mesure où un  régime de «silence positif» serait tout aussi efficace mais moins  restrictif que la règle du «silence négatif».
 
 Sixièmement et septièmement, le système de taxation et la longueur de la procédure ne sont pas remis en cause.
